Interview à Ghedini - Président de la cooperative
CADIAI.
Créer des mesures pour favoriser la conciliation entre vie
familiale et vie professionnelle représente aujourd'hui une
priorité dans les indications et les programmes européens.
Les lois qui règlent le monde du travail sont, selon vous,
assez attentives aux problèmes de la conciliation ?
Je ne connais pas de façon approfondie la normative actuelle
et je crains avoir une déformation professionnelle car je
travaille dans le domaine des services à la personne qui
jouit d'une normative spécifique, particulièrement
attentive aux détachements et aux congés parentaux
par rapport à l'environnement du lieu de travail ( risques
pour la santé de la mère et de l'enfant). En général
je pense que la normative des dernières années en
matière de congé permet une articulation plus souple
du travail, en particulier pour les femmes qui ont un engagement
familial. La question critique me semble plutôt être
celui d'une connaissance effective des possibilités offertes
par la loi, de son actualisation ( disponibilité des employeurs),
des possibilités prévues par les normes, du soutien
économique aux mesures de détachement et d'alternance
: en effet la plupart des instituts de détachement sont privés
de couverture économique : Par rapport à ce problème
la carence de ressources publiques pour ces instituts est évidente
: il est certain que si l'actualisation est laissée aux employeurs,
l'accès effectif aux instituts est très limitée.
Il existe enfin un problème lié aux modèles
sur lesquels se fondent les mécanismes de présence
et de carrière dans les entreprises et dans les lieux de
travail en général. Il est banal d'observer que la
discontinuité de présence est considérée
négativement et produit souvent marginalité : je pense
qu'il s'agit d'un problème non résoluble au niveau
législatif, mais étroitement lié au changement
culturel, de la façon de penser le travail et le développement
des relations dans les lieux de production.
Les familles avec enfants ont du mal à harmoniser le temps
des soins et le temps du travail, recourant souvent à des
organisations complexes.
Quelles sont, à votre avis, les ressources nécessaires
pour alléger cette fatigue ?
La réponse est extrêmement banale et évidente
: des services !
Je me réfère , avant toute réflexion sociologique,
à mon expérience personnelle. J'ai un enfant, je travaille
à " super plein temps ", mon mari a des horaires
de travail variables et peu programmables : A Bologne, nous sommes
seuls, nous n'avons pas de réseau familial de support.
Si nous n'avions pas eu une bonne crèche, une bonne école
maternelle, et maintenant une excellente école primaire à
plein temps, l'alternative était : ou ne pas avoir d'enfant,
ou renoncer au travail.
L'emphase n'est pas seulement sur l'existence des services, mais
sur leur qualité ( éducative, relationnelle, environnement
),
et sur leur souplesse : une des limites des services pour l'enfance
est l'horaire et les modalités d'accès : l'absence
de souplesse nous a obligé à utiliser des aides mercenaires,
baby-sitters. Dans ce sens, personnellement, je trouve inutiles
( et même en référence aux " distorsions
" en matière de politiques du travail, nocives) les
subventions économiques aux familles : La question est de
créer un réseau de possibilités diversifiées
par quantité et qualité à l'intérieur
duquel les familles- et les femmes en particulier-puissent s'orienter
pour garantir les soins et l'accueil aux mineurs ou aux personnes
âgées de la famille, et en même temps avoir des
garanties pour l'accès au travail.
Il vous semble important de raccorder tous les acteurs ( Gouvernements
locaux, entreprises, Troisième secteur, OOSS) ? Et de quelle
façon ?
Le choix de modalités et d'instruments semble déjà
plus complexe. En termes de programmation, il me semble que la pratique
de la concertation est indispensable pour mettre en réseau
les besoins et les ressources à l'intérieur de la
communauté locale.
Quelques prévisions importantes dans ce sens sont contenues
dans la L.328 et L.R. 2/2003 : les conférences des Services
et des plans de Zone, semblent être les premiers instruments
concrets destinés à garantir une programmation participée
et le partage des objectifs , des engagements et des responsabilités
de la part de tous les acteurs sociaux, les délégués
institutionnels comme les responsables locaux du welfare.
Les deux premières années d'expérimentation
cependant n'ont pas produit des résultats à la hauteur
des attentes : il faut passer du plan de la participation formelle
à celui du partage effectif des projets et des engagements
et à la responsabilisation de tous les sujets intéressés
dans l'évaluation des besoins et compatibilités socio-économiques.
Il faut aussi utiliser systématiquement les instruments des
rapports public-privé et des formes de gestion qui favorisent
la participation et la coresponsabilité : certains sont déjà
utilisables, mais pour leur emploi systématique dans le contexte
souhaité, il faut construire des relations stables entre
les sujets et innover le système , avant tout en termes culturels,
en dépassant les barrières des préjugés
réciproques et des défenses corporatives.
Aujourd'hui, comment voyez-vous l'intérêt des entreprise
bolognaises pour le thème de la conciliation, et quelles
sont les perspectives ?
Bologne, avec un taux de chômage minimum par rapport aux
données nationales, présente un taux élevé
d'occupation féminine. Cela implique pour les institutions
et les entreprises, d'opérer pour garantir l'occupation des
femmes . Par ailleurs, la professionnalité des femmes semble
croître et ceci relativement au taux de chômage, supérieur
au taux masculin. Puisque les entreprises bolognaises ont besoin
des femmes, l'attente est qu'elles soient très sensibles
au thème de la conciliation. Pour certains aspects ça
paraît vrai, presque plus au niveau des entreprises qu'au
niveau institutionnel : en effet les entreprises, remarquant les
carences dues à la réduction relative des services
sociaux en faveur de la conciliation, se posent le problème
des services. L'explosion des crèches d'entreprises en est
la preuve. Cet exemple, cependant, prouve aussi le contraire : on
pense en effet à une solution des problèmes de conciliation
des mères, non en termes d'organisation du travail, mais
grâce à des solutions privées et donc contradictoires.
Par ailleurs les entreprises, d'habitude, ne pensent pas devoir
investir des ressources supplémentaires pour favoriser l'accès
au travail des femmes ( je me rends compte que je continue à
parler de femmes : de fait il me semble que le problème de
la conciliation, même s'il est posé tranversalement,
est encore un problème féminin !), confirmant ainsi
que, dans notre contexte, une culture de welfare public est très
enracinée. En réalité, comme on vient de le
voir, aucun agent social, tout seul, peut créer un changement
culturel, ou des mesures nécessaires à promouvoir
et à soutenir un accès et une permanence au travail
vraiment inspirés au principe d'égalités des
chances..
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